La cacophonie nutritionnelle et le marketing alimentaire | FD Fitness consultant
La cacophonie nutritionnelle et le marketing alimentaire
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Auteur(e) FD Fitness

 

Nous sommes tous des consommateurs d’aliments. En effet, manger concerne directement un de nos besoins physiologiques, soit la faim, qui est à la base de notre pyramide de besoins selon Maslow. Les industries alimentaires savent donc qu’elles répondent à un besoin. Depuis quelques années, un phénomène psychosocial s’observe chez le consommateur dans les pays industrialisés. Il s’agit de la cacophonie nutritionnelle. De prime abord, ce terme peut vous sembler nébuleux. C’est pourquoi je vous expliquerai d’abord ce qu’est la cacophonie nutritionnelle pour ensuite aborder ce sujet dans le contexte de marketing de produits alimentaires.

 

La cacophonie nutritionnelle

Tout d’abord, qu’est-ce que la cacophonie nutritionnelle? Ce fut une première, en 1979, lorsque Claude Fischler a décrit le phénomène de cacophonie nutritionnelle, soit « une confusion de prescriptions et de mises en garde dans laquelle ils ne parviennent pas, ou difficilement, à se retrouver, à concevoir et exercer un sain gouvernement du corps ».

 

L’industrialisation de l’alimentation

Il semblerait que depuis l’industrialisation grandissante de l’alimentation, le consommateur est de plus en plus loin de l’aliment ou produit qu’il achète et qu’il cherche ainsi de plus en plus à s’informer afin de faire un choix éclairé concernant les produits alimentaires qu’il achète et consomme.

 

La multiplication des sources d’information et les contradictions observées

Les sources d’information sur la nutrition et la santé visant à informer le consommateur ne font que se multiplier depuis de nombreuses années. Médecins, spécialistes en nutrition, naturopathes, entraîneurs, célébrités, journalistes, biochimistes, peu importe leur domaine d’expertise, de nombreux individus ou organisations émettent des recommandations. D’ailleurs, Fischler avait constaté l’augmentation de « l’émission de préconisations et de contre-indications diététiques contradictoires par les médias, l’État, les médecins et autres qui générait de la confusion et de l’anxiété chez le mangeur ».

 

Le consommateur s’y perd

Dans ce réel brouhaha diététique (terme utilisé par Fischler pour décrire ce phénomène), le consommateur se perd et ne sait plus ce qui est vrai ou faux. Et cela le dérange puisque, entendant des recommandations contradictoires, il se dit qu’il doit bien y avoir du vrai et du faux! C’est principalement à ce moment qu’apparaît la dissonance cognitive, puisque sa réflexion est mise à l’épreuve. Devant deux énoncés contradictoires, un exercice de réflexion approfondie est nécessaire afin que le mangeur sache comment mettre en application ladite recommandation.

 

La cacophonie nutritionnelle et le marketing

Au Canada, le tableau de la valeur nutritive et la liste d’ingrédients des produits alimentaires sont bien réglementés. Toutefois, il semblerait que les Canadiens ne sont pas à l’aise de se référer au tableau de valeur nutritive par un manque de compréhension. La principale source d’information d’un produit alimentaire chez les consommateurs s’avère donc être l’emballage du produit. C’est ainsi que le marketing utilise divers moyens afin d’indiquer au consommateur que son produit est un bon choix nutritionnel en arborant des logos ou des allégations nutritionnelles sur la devanture de leur emballage.

 

Allégations nutritionnelles

Voici les principales allégations qui mélangent le consommateur selon Extenso.

  • Le « sans » : par exemple « sans gluten » ou « sans gras trans ». Ce type d’allégation suggère à tort que le produit est une option plus santé que ses concurrents, surtout lorsqu’il est utilisé alors que le produit ne contient probablement jamais de gluten ou de cholestérol par exemple.

 

  • Quand l’ingrédient fait l’aliment : par exemple « garnis de vrais fruits », « faits de flocons d’avoine entière ». Le fait qu’un produit contient un ingrédient « santé » ne fait pas systématiquement en sorte que ce produit peut être considéré comme étant « santé ».

 

  • Les produits allégés : par exemple « faible en gras » ou « faible en sucre ». Dans certains cas, il a été observé que l’industrie alimentaire utilise plus de sucre lorsqu’il réduit la quantité de gras dans un produit. Chez les produits dits « faibles en sucre », il semblerait que l’industrie réduit quelque peu la quantité de sucre, mais utilise plus de gras. De plus, les quantités de gras ou de sucre sont souvent réduites en très petites quantités et ne font donc pas de réelle différence d’un point de vue nutritionnel entre la version originale et la version allégée.

 

  • De la valeur ajoutée en X au produit : par exemple « jus enrichi de vitamine C », « biscuit enrichi de calcium ». L’industrie tente parfois de rendre un produit plus attrayant en lui ajoutant un nutriment ayant des bienfaits potentiels sur la santé.

 

  • Les pourcentages réduits en X : « 25% moins de gras », « 10% moins de sel ». L’industrie utilise cette allégation afin de plaire aux consommateurs plus soucieux de leur consommation de certains nutriments, tels que le sucre, le sel, etc. Les pourcentages de ces allégations se réfèrent souvent à la version originale du produit de la compagnie. Toutefois, il se peut que la version originale de la compagnie B ait le même profil nutritionnel en sel que la version réduite en sel de la compagnie A.

 

Illustration des allégations

Les allégations peuvent être illustrées sur les emballages par l’incorporation de logos, de mentions ou de tableaux. Des logos sont couramment utilisés sur l’emballage des produits alimentaires afin de promouvoir l’allégation de « produit santé ».

  • Logo : peut être gouvernemental, d’une tierce partie indépendante (organisation, association) ou d’une entreprise privée.

 

  • Mention : les mentions peuvent concerner un ingrédient ou un nutriment positif ou négatif, un allergène, une intolérance, les calories, le processus de fabrication, le fait que l’aliment soit biologique ou des termes génériques propres à la compagnie (exemple : « à l’état pur » d’OASIS).

 

  • Tableau : simplification du tableau de valeur nutritive. Cette simplification ne correspond pas toujours aux valeurs nutritives pour la même portion que celle du tableau de valeur nutritive (par exemple : le tableau simplifié correspond à la valeur nutritive d’une portion de 1 biscuit alors que le véritable tableau de valeur nutritive concerne une portion de 2 biscuits).

 

Dégustations en magasin

Afin de promouvoir leurs produits, les compagnies font plusieurs activités de marketing dans les magasins, telles que les dégustations. L’idée n’est pas détestable en soi, c’est toujours agréable de goûter de nouveaux aliments que l’on souhaite potentiellement acheter et consommer. D’ailleurs, la dégustation peut vous permettre d’éclairer votre choix quant à votre appréciation du goût d’un produit alimentaire. Toutefois, la dégustation devient moins objective lorsque l’on porte l’oreille aux phrases clés mentionnées par le personnel exécutant la dégustation. En effet, ces phrases peuvent s’apparenter à des allégations nutritionnelles qui visent simplement à nous vendre le produit.

 

Voici quelques exemples de phrases de vente de certains produits alimentaires :

« fait avec de vrais fruits », « faits avec de vrais bleuets et du vrai chocolat »

« ajout de probiotiques parce que c’est bon pour vos défenses immunitaires »

*Les phrases informatives vulgarisées de ce type sont rarement une source d’information fiable sur lesquelles nous pouvons réellement baser nos choix…

 

Au final, l’idée ici est simplement de se conscientiser. En étant un consommateur informé, on peut ainsi optimiser notre consommation et minimiser l’influence de l’industrie sur nos choix. Il semblerait que les meilleurs outils pour nous guider sont la liste d’ingrédients et le tableau de valeur nutritive. Toutefois, tel que mentionné précédemment, les consommateurs canadiens ne semblent pas tout à fait à l’aise de se référer à ces deux outils puisque ceux-ci sont peu souvent réellement compris. Afin de vous éclairer à ce sujet, j’aborderai comment faire un choix éclairé en épicerie notamment à l’aide de ces deux outils dans le webmagazine de septembre. Un rendez-vous à ne pas manquer pour ceux et celles qui souhaitent être conscientisés sur leurs achats alimentaires.

 

Gabrielle Anne Desjardins

Nutritionniste (Diplômé de l’Université de Montréal)

 

Sources

-Abraham Maslow, Devenir le meilleur de soi : Besoins fondamentaux, motivation et personnalité, Eyrolles, 2013.

-Arseneau, M. Desjardins, G.A. Cadrin, K. Harvey, S. et Mongrain, L. (2019) Le marketing alimentaire et la confusion du mangeur. Travail présenté à Karine Gravel dans le cadre du cours NUT3027-Le mangeur et son environnement. Document inédit.

– Extenso. (2012) Achats/étiquettes nutritionnelles : Ces allégations qui portent à confusion. Repéré à http://www.extenso.org/article/ces-allegations-qui-portent-a-confusion/?fbclid=IwAR2IbKTblzcW6XHzblwnMS0iVj8u0VafxeoMv93oYyiyI6vkAveUeFFfqPs

– Fischler, C. Gastro-nomie et gastro-anomie. Communications. La nourriture. Pour une anthropologie bioculturelle de l’alimentation, n°31, 1979, pp. 189-210.

– Fischler, C. L’homnivore. France : Odile Jacob, 1993, p.194

– IREMAS. (2010) Livre blanc, Cacophonie alimentaire et nutritionnelle. Repéré à https://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/74364/1/iremas-livre-blanc-cacophonie-alimentaire-oct2010.pdf

– Option consommateurs. (2011) Impacts des allégations santé sur les choix des consommateurs. Repéré à https://option-consommateurs.org/wp-content/uploads/2017/08/oc-ic1-allegations-sante-20110628.pdf