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Les intolérances alimentaires
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Auteur(e) Jean-Philippe Morin

Nous entendons souvent parler d’allergies, d’intolérances alimentaires, d’hypersensibilité à des aliments. En fait, aux jours d’aujourd’hui, la proportion des gens qui se disent intolérants à tel ou tel aliment semble avoir littéralement explosé. Mais, est-ce vraiment le cas? Et puis, comment distinguer les intolérances des allergies? Et quels sont les mécanismes responsables de l’inconfort causé par l’ingestion de certains aliments dans les cas d’intolérances?

 

 

Tout d’abord, clarifions les différences entre allergie alimentaire et intolérance. Dans les deux cas, nous parlons d’un problème de tolérance à des produits comestibles. L’intolérance causée par un mécanisme immunitaire est appelée « allergie ». Les réactions allergiques les plus hostiles sont celles causées par l’immunoglobine E (de l’anglais IgE-mediated food allergies). Ces allergies engendrent des problèmes graves et immédiats ou presque immédiats : problèmes respiratoires, gastro-intestinaux ou cutanés, symptômes cardiovasculaires et choc anaphylactique[1]. C’est dans ces cas graves que les gens diagnostiqués ont en leur possession un EpiPen, un auto-injecteur d’épinéphrine qui peut renverser la réaction potentiellement très dangereuse.

 

Les intolérances alimentaires

Ensuite, il y a les réactions d’intolérance non immunologiques qu’on appelle tout simplement les intolérances alimentaires ou les hypersensibilités alimentaires. Dans ces cas, le problème d’intolérance est souvent causé par un problème enzymatique (rappelons que le corps regorge d’enzymes destinées à accélérer des réactions ou aider à digérer différents substrats). Sinon, elles peuvent être causées par des composés chimiques actifs qui se retrouvent naturellement dans certains aliments comme les histamines. Pour donner un exemple concret sur lequel nous allons élaborer plus tard, l’intolérance au lactose dont nous entendons couramment parler est une déficience en lactasel’enzyme destinée à dégrader le lactose, un sucre provenant du lait. Dans les cas d’intolérance au lactosel’enzyme peut être produite en trop faible quantité par le corps.

 

Le sujet du jour n’étant pas les allergies, il est tout de même pertinent de préciser (et de simplifier) le concept de l’immunoglobine. Essentiellement, l’immunoglobine E est une forme d’anticorps qui a un « radar » pour certains allergènes dans votre corps. Lorsque vous entrez en contact avec ledit allergène, une réaction s’encourt[2]Dans le cas d’une intolérance alimentaire, ce n’est pas le cas. Les symptômes ressentis sont plutôt reliés à des problèmes de digestion et d’absorption.

 

En termes de chiffres, la prévalence des allergies et intolérances est d’environ 20% dans les pays industrialisés[3]. Les véritables allergies de nature immunitaire se chiffrent entre 2 et 5%. Mais qu’en est-il des problèmes qui semblent en hausse, comme l’intolérance au gluten? La maladie cœliaque? Quelle est la véritable prévalence?

 

La sensibilité au gluten d’origine non cœliaque

Cette sensibilité fait l’objet de plusieurs études qui tentent d’élucider quels mécanismes pourraient générer des inconforts chez des personnes qui semblent moins bien tolérer les produits contenant du gluten, sans être « atteints » de la maladie cœliaque. La prévalence de la maladie cœliaque est d’environ 1% dans les populations occidentales[4]. Pour l’intolérance aux produits contenant du gluten, les chiffres sont plus flous, mais il est estimé que le problème toucherait environ 6% des gens aux États-Unis[5].

 

Une première piste est considérée chez les patients aux prises avec le syndrome du côlon irritable. En fait, dans le syndrome du côlon irritable, l’intestin est perméable, capricieux et réagit à tout un ensemble d’aliments pour différentes raisons. Dans le cas des produits du blé, les fructanes sont maintenant pointés du doigt. Les fructanes à chaîne courte sont la principale source de glucides dans le blé (fructo-oligosaccharides). Dans ces cas, ils sont mal absorbés par l’intestin grêle, ce qui fait augmenter l’afflux en eau et augmenter la fermentation au niveau de l’intestin, causant des gaz et des problèmes gastro-intestinaux désagréables[6].

 

Toujours au niveau du blé, des protéines de poids moléculaire faible sont retrouvées. Ces protéines sont qualifiées d’inhibiteurs de l’α-amylase et de la trypsine, des enzymes digestives. Celles-ci pourraient engendrer des symptômes apparentés à la sensibilité au gluten non cœliaque. Finalement, l’agglutinine dans le blé est mise sous le radar, car elle pourrait potentiellement faire augmenter la perméabilité de l’intestin, étant une substance collante qui traverse assez difficilement le tube digestif[7]. Le tout considéré, la sensibilité au gluten d’origine non cœliaque est encore à ce jour un phénomène assez flou, sans véritables critères diagnostiques. En cas de doute, le gluten peut être retiré de l’alimentation d’un individu, afin de tester si des symptômes ressentis s’effacent sur une base anecdotique.

 

Rappelons également que l’intolérance au gluten peut amener des symptômes extra-intestinaux qui ne lui sont pas exclusifs : migraine ou maux de tête, douleurs musculosquelettiques, brûlures d’estomac, sautes d’humeur, pertes de mémoire, irritation et éruptions cutanées[8].

 

Et dans le cas d’un problème commun comme l’intolérance au lactose?

 

La proportion des gens aux prises avec l’intolérance au lactose fluctue beaucoup selon la situation géographique. À titre comparatif, 5 à 15% des Européens sont dits intolérants, comparativement à 65 à 90% des adultes d’Afrique et d’Asie de l’Est[9]. Il faut dire que la majorité des gens subissent une baisse programmée de la production de l’enzyme lactase qui est produite chez l’humain pour la période de lactation, période durant laquelle le nourrisson survit en consommant uniquement le lait maternel. Les populations qui font exception à cette règle sont le fruit de l’adaptation : elles ont pratiqué la domestication des vaches laitières, et la consommation régulière de lait a permis de maintenir les niveaux de l’enzymelactase. L’intolérance au lactose est une production insuffisante de l’enzyme attitrée à la dégradation du lactose, ou du moins, une quantité insuffisante de lactase pour digérer la quantité de lactose ingérée fait son chemin vers l’intestin.

 

Le mécanisme derrière l’intolérance au lactose est similaire à d’autres intolérances, puisque nous savons qu’il s’agit en général de problèmes d’absorption au niveau intestinal. L’enzyme lactase étant insuffisante, une fraction de lactoseintact persiste dans l’intestin. Le processus d’assimilation attire davantage d’eau à ce niveau (augmentation de l’osmose). La fermentation du lactose est initiée par le microbiome, ce qui produit des acides gras à chaîne courte et des gaz, notamment l’hydrogène, le dioxyde de carbone et du méthane, des composés qui sont aussi présents dans les cas problématiques de digestion d’autres sucres qui fermentent dits « FODMAPS[10] ».

 

Tests d’intolérance

À ce jour, les tests cutanés et les tests sanguins officiels administrés par les professionnels de la santé sont les seuls tests dits fiables pour les allergies alimentaires. Dans le cas des intolérances, de nombreux tests alternatifs sont trouvables ici et là; cependant, leur fiabilité est remise en question la plupart du temps. Le test des anticorps de l’immunoglobine G est un test qui a été le sujet de plusieurs études récemment. Dans ce test, on s’intéresse au niveau d’immunoglobine qui s’élève dans le sang pour déterminer les intolérances. Faute de preuves, le test n’est toujours pas reconnu ou recommandé à grande échelle par les systèmes de santé[11]. La bonne vieille méthode de l’exclusion et de la réintroduction alimentaire, sous la supervision d’un nutritionniste, demeure la procédure la plus fiable pour ne pas s’infliger à soi-même une alimentation hyperrestrictive.

 

Alors voilà, nous avons rapidement départagé l’allergie et l’intolérance, fait un survol de deux intolérances communes et exploré les mécanismes qui les provoquent. Diagnostiquer des intolérances est un peu nébuleux, encore aujourd’hui. J’espère avoir su éclaircir certaines choses entourant la question pour vous. Un bon suivi alimentaire fait par un professionnel serait la chose à faire si vous croyez ressentir des symptômes d’intolérance alimentaire, car les tests alternatifs douteux ou les diètes hyperrestrictives ne règleront pas nécessairement votre problème.

 

Bien à vous!

 

Jean-Philippe Morin

Étudiant en kinésiologie

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Sources :

[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16782524

[2] https://www.aaaai.org/conditions-and-treatments/conditions-dictionary/immunoglobulin-e-(ige)

[3] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2695393/

[4] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26438584

[5] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5677194/

[6] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4406911/

[7] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4406911/

[8] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4406911/

[9] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmedhealth/PMH0072452/

[10] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4586575/

[11] https://www.bda.uk.com/foodfacts/AllergyTesting.pdf